vendredi 23 novembre 2012

N° 5 : RETOUR DE PELERINAGE




l'équipe de la Cathédrale: Timothée à sa gauche Manolo, en face Jean-Pierre, et entre nous, Noël








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LA NOUVEAUTE : le pèlerinage à Kita

L’Eglise du Mali est née officiellement un 20 novembre 1888 ! Et depuis 42 ans, un pèlerinage national est organisé sur le lieu de la première Mission Catholique, la ville de Kita, qi se trouve à 180 kms à l’ouest de Bamako, dans la direction de Kayes.  Là, a été érigé un grand sanctuaire marial, au centre de la ville, et un lieu de prière sur une colline (à 1 km de la ville) : ce qui permet une procession aux flambeaux à la nuit tombée.
Les 17-18 novembre passés, je me suis donc joint aux 10 000 pèlerins (environ). Pour ma part j’y suis allé avec ma voiture. C’était l’occasion de tester ses capacités, en « pleine charge », c'est-à-dire à 7 personnes, + les bagages (ça va de soi !!). La route est toute neuve et en bon état ; cela permet à de plus en plus de Maliens d’y aller par leurs propres moyens en 2 heures de temps, alors qu’en car, il faut au moins 3 h et en train de 4 à 5 h !!! Tout cela à partir de Bamako ; mais pour arriver à la capitale, certains (depuis le pays Dogon par ex.) ont déjà mis plus d’une journée. Faire le pèlerinage, pour eux, consiste en un voyage (qui n’est vraiment pas de tout repos) qui va durer entre 5 et  7 jours ! Voilà pour les conditions matérielles et de transport !
Le pèlerinage, en tant que tel, est un grand moment annuel de la communauté chrétienne. Il est préparé –de longue date- par un diocèse, à tour de rôle. Le weekend est surtout rempli par des célébrations (de la Parole, eucharistiques, mariale, pénitentielle) d’une procession aux flambeaux, et d’un spectacle théâtral (de nuit), en lien avec le thème choisi : « en Jésus, Fils de Marie, RETROUVE TA DIGNITE ! ». Le spectacle –qui mêle sérieux et humour pendant presque 2 h- reprend l’actualité de la vie quotidienne, et aussi la vie publique, politique et le contexte d’insécurité que vivent beaucoup de Maliens. Il a été beaucoup question de la Paix, fruit de la Justice, qu’il faut chercher, bâtir inlassablement ! Le dialogue (entre générations, entre personnes différentes), et le refus de toute corruption sont mis en honneur ! C’est un beau spectacle et un bon temps de formation citoyenne et chrétienne. Le tout, accompagné par une chorale et des danseurs qui ont répété des semaines entières ! Le dimanche, c’est surtout, une messe, disons une « grand’messe », car elle dure de 8h 30 à 12h 30 : 4 heures de chants, de processions, de danses, d’homélie, et aussi de discours officiels, car il y avait, en plus du Nonce Apostolique (basé à Conakry), pas moins de 4 ministres, et 10 délégués de ministres  (presque tous des Musulmans)! C’est aussi vous dire aussi, la protection policière et militaire qui nous entourait ! L’événement médiatique et politique de cet événement, c’est  la présence du ministre des affaires religieuses et des cultes, Yacouba TRAORE,
le ministre des cultes au micro devant une assemblée de 10 000 chrétiens
un tout nouveau ministère, créé à l’instar de l’Algérie, et qui faisait redouter chez certains, –ce n’est pas un secret, car cela a été écrit dans les journaux- une mise en place d’un intégrisme musulman. C’est sûrement important et symbolique d’un tel ministre prenne la parole à la fin de l’eucharistie, avant la bénédiction finale de l’archevêque. Pour en savoir plus sur ce pèlerinage, n’hésitez pas à aller sur le site de l’Eglise du Mali (C’est Timothée qui en a la responsabilité) : www.eglisedumali.org
Ce que j’ai admiré, c’est aussi l’organisation matérielle de l’événement : question sonorisation, sécurité, logistique, rien à redire ! N’oublions pas qu’il a fallu faire cuire le riz et la viande, dans des énormes marmites, et sur feu de bois, pour  plus de 10 000 personnes, et pendant deux jours! On n’a pas les mêmes moyens que lors d’un rassemblement national de la JOC ( !) mais on mange aussi bien !

dans mon bureau à la cathédrale
Sur la route, je me suis arrêté pour cueillir des tiges de mil, de sorgho et de coton pour décorer mon bureau J’ai mis le coton sur la Croix, car je pense –comme d’autres- que le Christ est aujourd’hui encore crucifié à travers l’exploitation des paysans Maliens qui cultivent l’un des cotons parmi les meilleurs du monde… qui cultivent « à main nues », et à qui on ne paye pas un prix respectueux de leur travail. 
Pour confirmer cela, je vous livre des extraits du livre « l’Afrique Humiliée » de Aminata TRAORE, (1) (2) une militante reconnue sur la place publique de Bamako :

 « Les prix du marché du coton sont fixé à Liverpool ou à Chicago. L’échange des marchandises a toujours été le moyen de déposséder les pays du sud, en mettant leurs gouvernants à contribution et en les sanctionnant quand ils ne se pliaient pas à la loi du plus fort. Le cours qui était fixé à 3 dollars le kilo en 1980 a chuté à 0,35 dollar en  octobre 2011, le cours le plus bas depuis 1972, en raison d’une forte production mondiale. Mais ces années-là, le coût de production était de 48 à 53 cents par livre en Afrique, et de …. 73 cents eu Amérique. Les USA n’arrivent à se maintenir sur le marché qu’en subventionnant leurs 25 millions de producteurs ! Il a été calculé que cette subvention représente 4,8 milliards de dollars, par an, soit trois fois le montant de l’aide américaine à tout  le continent noir !!! Le coton n’a pas pour objectif de servir l’Afrique et les Africains, mais d’approvisionner les filatures de métropoles du Nord ! Aujourd’hui, ne sachant plus où donner de la tête, les plus vulnérables des paysans vendent leurs charrues et leurs maigres biens, pour que leurs enfants partent en ville… y trouvent le chômage…et rêvent de partir en Europe !
Je persiste et je signe : il n’y a pas plus voleur ni plus corrupteur que le marché  dit « libre et concurrentiel » dont les gagnants  trichent, mentent et tuent en toute impunité, mais à petit feu, à travers les politiques qu’ils imposent »

(1)    Elle joue aussi dans le film « Bamako », qui existe en DVD ! à voir et revoir ! Il est en dépôt dans la « Malette-Mali » au secrétariat national de la JOC, à Courbevoie.
(2) Voici aussi, ci-dessous, un autre (long) texte d'elle , à propos de ce qui se vit au Mali. Un beau texte de Militante paru sur lanouvelletribune.com en ce 22 novembre !


"De la situation dramatique du Mali, il ressort une réalité terrible qui se vérifie dans d’autres pays en conflit : l’instrumentalisation des violences faites aux femmes pour justifier l’ingérence et les guerres de convoitise des richesses de leurs pays. Les femmes africaines doivent le savoir et le faire savoir.
Autant l’amputation du Mali des deux tiers de son territoire et l’imposition de la charia aux populations des régions occupées sont humainement inacceptables, autant l’instrumentalisation de cette situation, dont le sort réservé aux femmes, est moralement indéfendable et politiquement intolérable.
Nous avons, de ce fait, nous femmes du Mali, un rôle historique à jouer, ici et maintenant, dans la défense de nos droits humains contre trois formes de fondamentalisme : le religieux à travers l’islam radical; l’économique à travers le tout marché; le politique à travers la démocratie formelle, corrompue et corruptrice.
Nous invitons toutes celles et tous ceux qui, dans notre pays, en Afrique et ailleurs, se sentent concernés par notre libération de ces fondamentalismes à joindre leurs voix aux nôtres pour dire "Non" à la guerre par procuration qui se profile à l’horizon. Les arguments suivants justifient ce refus.

Le déni de démocratie

La demande de déploiement de troupes africaines au nord du Mali, transmise par la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Africaine (UA) aux Nations Unies, repose sur un diagnostic délibérément biaisé et illégitime. Il n'est fondé sur aucune concertation nationale digne de ce nom, ni au sommet, ni à la base. Ce diagnostic exclu par ailleurs la lourde responsabilité morale et politique des nations, celles qui ont violé la résolution 1973 du Conseil de Sécurité en transformant la protection de la ville libyenne de Ben Ghazi en mandat de renverser le régime de Mouammar Kadhafi et de le tuer. La coalition des séparatistes du mouvement national de libération de l'Azawad (MLNA), de Al Kaeda au Maghreb Islamique (AQMI) et de ses alliés qui a vaincu une armée malienne démotivée et désorganisée doit également cette victoire militaire aux arsenaux issus du conflit libyen.
Le même Conseil de Sécurité va-t-il approuver, dans les jours à venir le plan d’intervention militaire  que les Chefs d’Etat africains ont approuvé en prétendant corriger ainsi les conséquences d’une guerre injuste par une guerre tout aussi injuste ?
Marginalisée et humiliée dans la gestion de la crise "libyenne", l'Union Africaine peut-elle, doit-elle se lancer dans cette aventure au Mali sans méditer les enseignements de la chute du régime de Mouammar Kadhafi ?
Où est la cohérence dans la conduite des affaires du continent par les dirigeants africains, dont la plupart s’était opposé en vain à l’intervention de l’OTAN en Libye, lorsqu'ils s’accordent sur la nécessité d'un déploiement de forces militaires au Mali, aux conséquences incalculables.

L’extrême vulnérabilité des femmes dans les zones en conflit

L'international Crisis Group prévient, à juste titre, que « Dans le contexte actuel, une offensive de l’armée malienne appuyée par des forces de la CEDAEO et/ou d’autres forces a toutes les chances de provoquer davantage de victimes civiles au Nord, d’aggraver l’insécurité et les conditions économiques et sociales dans l’ensemble du pays, de radicaliser les communautés ethniques, de favoriser l’expression violente de tous les groupes extrémistes et, enfin, d’entraîner l’ensemble de la région dans un conflit multiforme sans ligne de front dans le Sahara ». (« Le Mali : Éviter l’escalade » International Crisis Group - http://www.crisisgroup.org/fr- 18 juillet 2012).
Ces conséquences revêtent une gravité particulière pour les femmes. Leur vulnérabilité qui est sur toutes les lèvres, devrait être présente dans tous les esprits lors des prises de décisions, et dissuasive quand la guerre peut être évitée. Elle peut l'être. Elle doit l’être, au Mali.
Rappelons que les cas de viols que nous déplorons dans les zones occupées du Nord de notre pays risquent de se multiplier avec le déploiement de plusieurs milliers de soldats. A ce risque, il faut ajouter celui d’une prostitution plus ou moins déguisée qui se développe généralement dans les zones de grande précarité et par conséquent les risques de propagation du VIH/SIDA. Le  plan d’intervention militaire sur lequel le Conseil de Sécurité va se pencher prévoit-il des moyens de mettre réellement les femmes et les fillettes du Mali à l’abri de ce type de situation désastreuse ?
Rappelons également que sur l'ensemble du territoire les sanctions économiques imposées par la communauté internationale au peuple malien au nom du retour à un ordre constitutionnel discrédité affectent considérablement les groupes vulnérables. Les femmes du fait de la division sexuelle des tâches sont confrontées au niveau domestique à l'énorme difficulté d'approvisionnement des familles en eau, nourriture, énergie domestique, médicaments. Cette lutte quotidienne et interminable pour la survie est déjà en soi une guerre. Dans ces circonstances de précarité et de vulnérabilité des populations, et des femmes en particulier, l'option militaire en préparation est un remède qui à toutes les chances d'être pire que le mal alors qu’une alternative pacifique, émanant de la société malienne, civile, politique et militaire, sera constructive.

Des incohérences de la communauté internationale

Chacun des puissants représentants  de la « communauté internationale »  ainsi que  la CEDEAO et l’Union Africaine ont prononcé des mots à propos de nos maudits maux de femmes en situation de conflit.
A tout seigneur tout honneur,  le Président français, François Hollande, qui joue le rôle de chef de file dans la défense de l’option militaire, a souligné la souffrance des femmes « premières victimes des violences des guerres » (Kinshasa - Quatorzième sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie).                                                                                                                                                   Et pourtant, il a déclaré le 26 septembre 2012, à New York, lors de la réunion spéciale sur le Sahel, en marge de l'Assemblée Générale des Nations Unies "Je sais qu'il peut y avoir une tentation de mener des négociations. Négocier avec des groupes terroristes ? Il ne peut en être question. Toute perte de temps, tout processus qui s'éterniserait ne pourrait faire que le jeu des terroristes".               
 "Il faut savoir terminer une guerre", semblent dire les Présidents américains et français. « La guerre d’Afghanistan s’est prolongée au-delà de la mission initiale. Elle attise la rébellion autant qu’elle permet de la combattre. Il est temps de mettre fin en bon ordre à cette intervention et j’en prends ici l’engagement. » déclara le candidat François Hollande, dans son discours d’investiture à l’élection présidentielle.
La Secrétaire d’Etat américaine aux affaires étrangères, Hillary Clinton dont l’escale du 29 octobre 2012, à Alger, avait en partie pour objet de convaincre le Président Abdelaziz Bouteflika de rejoindre le camp de la guerre, s'était adressée aux Chefs d’Etat africains réunis à Addis-Abeba en ces termes : « En République Démocratique du Congo, la poursuite des actes de violences contre les femmes et les filles et les activités des groupes armés dans la région orientale du pays, sont pour nous une source constante de préoccupation. L’Union Africaine et les Nations Unies ne doivent épargner aucun effort en vue d’aider la RDC à réagir à ces crises sécuritaires incessantes ».
L’initiative du secrétaire des Nations Unies, Ban Kid Moon, intitulée « Unis pour mettre fin à la violence contre les femmes », lancée le 25 janvier 2008, accorde une attention particulière aux femmes de l’Afrique de l’Ouest. C'était avant les guerres en Côte d'Ivoire et en Libye qui ont largement compromis la réalisation des objectifs assignés à cette initiative. Nous comprenons sa réserve quant au déploiement militaire et espérons qu'il ne soutiendra pas le plan d'intervention des Chefs d'États de la CEDEAO. La guerre, rappelons-le, est une violence extrême contre les populations civiles, dont les femmes. Elle ne peut que nous éloigner des objectifs visés par cette initiative. 
Pourquoi les puissants de ce monde qui se préoccupent tant du sort des femmes africaines ne nous disent pas la vérité sur les enjeux miniers, pétroliers et géostratégiques des guerres.
La présidente de la commission de l'UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, pour sa part, souligne que "Il est crucial que les femmes contribuent à, et s’impliquent activement dans, la recherche d’une solution au conflit. Leurs voix doivent être entendues dans les efforts visant à promouvoir et à consolider la démocratie dans leur pays. A cette fin, vous pouvez, sans aucun doute, compter sur le soutien de l`Union Africaine, ainsi que sur mon engagement personnel. » (Réunion du groupe de soutien et de suivi de la situation au Mali - 19 novembre 2012)
La nomination pour la première fois d'une femme à ce poste pourrait être un facteur véritable d'émancipation politique pour les femmes et donc de libération du Continent, si Nkosazana Dlamini-Zuma accepte d'élargir la base du débat sur les femmes africaines en y intégrant les enjeux globaux qui nous sont dissimulées.

Notre triste statut d’otages

Le Mali est un pays à la fois agressé, humilié et pris en otage par des acteurs politiques et institutionnels qui n'ont aucun compte à nous rendre, à commencé par la CEDEAO. L'une des traductions de cette réalité est l'énorme pression exercée sur ce qui reste de l'État malien. Le Président par intérim, Dioncounda Traoré, est le premier des otages maliens. S’il a cru devoir rappeler, le 19 octobre 2012, lors de la réunion du groupe de soutien et de suivi de la situation de notre pays, qu’il n’est pas un Président pris en otage, c’est précisément parce qu’il l’est. Sinon il n’aurait pas répété à trois reprises, le 21 septembre 2012, la veille de l’anniversaire de l’indépendance de notre pays qu’il a privilégie le dialogue et la concertation, et demandé aux Nations Unies, trois jours plus tard, une intervention militaire internationale immédiate. « J’ai conscience d’être le président d’un pays en guerre mais le premier choix est le dialogue et la négociation. Le deuxième choix est le dialogue et la négociation et », insiste-t-il « le troisième choix demeure le dialogue et la négociation.  Nous ferons la guerre si nous n’avons pas d’autre choix… », a-t-il déclaré dans son discours à la nation avant de changer d’avis.
Au-delà du président intérimaire, nous sommes tous des otages prisonniers d'un système économique et politique inégalitaire et injuste qui excelle dans l'art de briser les résistances à coup de chantage au financement. La suppression de l'aide extérieur se traduit cette année 2012 par un manque à gagner de 429 Milliards de francs CFA. La quasi totalité des investissements publics sont suspendus. La fermeture de nombreuses entreprises a occasionnée licenciements et chômage technique pour des dizaines de milliers de travailleurs alors que les prix des denrées alimentaires continuent de flamber. Les pertes les plus importantes sont enregistrées dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics. Le tourisme, l'artisanat, l'hôtellerie et la restauration, qui subissaient depuis 2008 les conséquences de l'inscription du Mali sur la liste des pays à risques, sont gravement affectés alors qu'ils constituaient des sources de revenus substantiels pour les régions aujourd'hui occupées, notamment celle de Tombouctou.
Référence est faite au statut d'otage non point pour dédramatiser l'épreuve insupportable des otages européens et de leurs familles mais pour rappeler l’égale gravité de la situation de tous les êtres humains piégés dans des systèmes dont ils ne sont pas personnellement responsables. La question est toutefois de savoir comment agir de telle sorte que notre pays retrouve son intégrité territoriale et la paix, et que les six Français détenus par AQMI retrouvent leurs familles sains et saufs, sans que ces libérations n’ouvrent la voie à une intervention militaire qui mettrait en péril la vie des centaines de milliers d'habitants du Nord Mali qui sont autant d'otages.

La guerre par procuration

Le choix de la guerre se nourrit d'une connaissance insuffisante des véritables enjeux. Jacques Attali donne à ceux qui veulent s’en saisir, une clef de lecture qui prouve s'il en était besoin que l'intervention militaire envisagée est une guerre par procuration. Selon lui, la France doit agir « … parce que cette région (le Sahel) peut devenir une base arrière de formation de terroristes et de kamikazes qui viendront s’attaquer aux intérêts occidentaux un peu partout dans la région ; et même, par de multiples moyens de passage, en Europe. Ils ne sont encore que quelques centaines ; si rien n’est fait, ils seront bientôt plusieurs milliers, venus du Pakistan, d’Indonésie et d’Amérique Latine. Et les gisements d’uranium du Niger, essentiels à la France, ne sont pas loin. » (Blog Attali. 28 mai 2012.)
La distribution des rôles entre la France, la CEDEAO, l’Union Africaine, l’Europe et l’ONU est clarifiée. La CEDEAO, dont de nombreux Maliens et Africains ne comprenaient pas jusqu’ici le jeu trouble est en mission au Mali. Selon Jacques Attali, l’organisation sous régionale devait agir « pour redonner aux autorités civiles les moyens de décider, sans peur, de rétablir la sécurité, de restructurer l’appareil militaire et de faire redémarrer l’activité économique ; au Nord, pour mettre fin à cette sécession, il faudra une action militaire sur le terrain, avec un appui logistique à distance, des moyens d’observation, des drones et une capacité d’encadrement stratégique.
Qui peut faire tout cela ? Evidemment pas le gouvernement malien tout seul, qui n’a ni armes, ni autorité. Pas non plus la CEDEAO qui n’a pas les moyens militaires suffisants pour assurer l’ensemble de l’action nécessaire et qui ne peut même pas espérer en recevoir la demande du gouvernement malien, sous influence de forces incertaines. Pas non plus l’Union Africaine, en tout cas pas seule. Alors qui ? l’ONU ? l’OTAN ? La question va se poser très vite. Elle est, à présent, posée. Là encore, l’Europe devrait évidemment être unie et se mettre en situation de décider et d’agir. Elle ne l’est pas. Or, si les médiations actuelles échouent, il sera bientôt nécessaire de réfléchir à mettre en place une coalition du type de celle qui a fonctionné en Afghanistan. Avant qu’un équivalent du 11 septembre 2001 ne vienne l’imposer »(Le Blog de Jacques Attali : le 28 mai 2012)
Tout est donc clair. La guerre envisagée au Mali s'inscrirait dans le prolongement de celle de l'Afghanistan, d'où la France et les États Unis se retirent progressivement après onze années de combats et de lourdes pertes en hommes, en matériel et finance. Le Sahel étant la zone d'influence de la France, celle-ci prend la direction des affaires concernant le Mali et sous-traite la violence militaire à la CEDEAO. Ce transfert fait politiquement correct pour ne pas être accusé de colonialisme et d'impérialisme, mais aussi pour réduire le coût de la guerre et ne pas enregistrer d'autres pertes en vies humaines. Les opinions publiques occidentales tolèrent de moins en moins que leurs ressortissants meurent dans la défense de « nos » causes. Ainsi, au même titre que les tirailleurs sénégalais, les troupes africaines sont appelées à prêter main forte à la France.

La mondialisation des maux et des réseaux

Le radicalisme religieux n'a pas besoin, dans un tel contexte, du nord du Mali pour se répandre en Afrique de l’Ouest et dans le monde. L’économie mondialisée sur la base de l’injustice et des inégalités est une machine à broyer les économies locales, les sociétés et les cultures qui lui offrent le terreau nécessaire.
De la mer rouge à l’Atlantique, de l’Afghanistan au Nigeria, de Toulouse, où Mohamed Merah a agi et a été abattu, à Tombouctou, les enjeux sont à la fois idéologiques, civilisationnels, identitaires, mais aussi économiques, politiques et géostratégiques. Les acteurs et les forces en présence sont à peu près les mêmes, avec des variantes locales à manipuler telle que la rébellion touareg au Mali.
Par ailleurs, Afghans, Pakistanais, Algériens et autres prêcheurs ne sont pas de nouveaux venus au Mali. Ils ont fait leur apparition dans les mosquées, à partir de la décennie 90, au moment où les conséquences sociales et humaines dramatiques des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) sur l’emploi, le revenu et le lien social commençaient à se faire sentir.

La perspective « badenya » comme alternative à la guerre  

Des femmes maliennes et africaines bien imprégnées des enjeux et des rouages mortifères de la mondialisation néolibérale n’en cautionnent pas les guerres. Aux valeurs guerrières et prédatrices de l’ordre économique dominant, nous opposons des valeurs pacifistes, qui nous réconcilient les uns avec les autres, ainsi qu’avec le reste du monde. Badenya, (enfants de la mère) est l’une de ces valeurs que nous nous devons, femmes du Mali, de cultiver d'avantage et d’opposer à la valeur masculinefadenya (les enfants du père) qui dans sa version ultralibérale autorise la course effrénée et fratricide au profit, au point de brader des entreprises publiques rentables, de céder des terres agricoles aux dominants et d'accepter la partition du territoire national.
Profondément ancré dans la perspective badenya, notre refus de la guerre plonge ses racines dans une conception de la procréation selon laquelle mettre un enfant au monde est déjà une manière de monter au front (musokele)Et trop nombreuses sont celles qui parmi nous périssent en enfantant. Nous bataillons jour après jour contre la faim, la pauvreté, la maladie, pour que chaque enfant grandisse, travaille, s’assume et assume sa part de responsabilité.
Aussi, en chaque soldat, comme en chaque rebelle et en chaque nouveau converti au djihadisme qui vont s'affronter en cas de guerre, chacune de nous reconnaît un frère, un fils, un neveu, un cousin. Hier, ils étaient en quête d’un statut social à travers l'emploi, le revenu ou alors un visa. Ce fut souvent en vain… A présent, ils ont entre leurs mains tremblantes des armes de guerre.
La lucidité et la maturité politique devront être nos armes dans ce monde sans foi ni loi. Il n'y a aucune raison que le Mali s'engage sur un terrain où la France et les États Unis d'Amérique reculent, en dépit de la puissance de feu de l'OTAN.
A l’économie de la guerre, nous femmes du Mali, opposons l’économie de la vie en faisant de la transition en cours une occasion historique de relever le triple défi du savoir, de la citoyenneté et du dialogue. Les évolutions en cours sur le terrain, dont la volonté de négociation d’Ansar Dine et du MNLA, la modification constante des rapports de force ainsi que des stratégies et des interactions entre les différents groupes présents, doivent être examinées avec l'attention nécessaire de manière, non seulement à éviter une guerre potentiellement tragique mais aussi à écarter les écueils des accords passés.
Les concertations nationales envisagées depuis des mois doivent se tenir enfin, permettant à la société malienne dans son ensemble de se retrouver et de définir elle-même les bases et les conditions d’une solution concertée (et non imposée) au conflit présent. Nous, femmes du Mali, y contribuerons pleinement, comme demain nous contribuerons à la refondation de la démocratie dans notre pays selon des valeurs de société et de culture qui nous sont familières.
Il s'agit, en somme, de crédibiliser, de renforcer la  capacité d'analyse, d'anticipation et de proposition de la société malienne, civile, politique et militaire.
Nous demandons à toutes celles et à tous ceux qui partagent notre approche d'interpeller immédiatement les principaux acteurs de la communauté internationale, par écrit ou sous toutes autres formes d’expression, en plaidant pour que le Conseil de Sécurité n'adopte pas une résolution autorisant le déploiement de milliers de soldats au Mali.
Signataires :          Aminata D. TRAORE ; SISSOKO Safi  SY ; SANOGO Sylvie KONE ; IMBO Mama SY ;  Kadiatou TOURE ;  TRAORE Sélikèné SIDIBE(Vieux) ;  DICKO Rokia SACKO ; Ténin  DIAKITE ;  DOUMBIA Fanta DIALLO ;  KONE Mamou TOURE ;  TRAORE Sarata SANOGO ;  TRAORE Penda DIALLO ; DIABATE Kadiatou KOUYATE ; Aminata BOCOUM ; Oumou KODIO ;  Assatou KAREMBE ; Awa KOÏTA ; Aminata DOUMBIA ; Fatoumata COULIBALY ; Badji BOIRE ; Awa TOURE ; Bintou KONE ; Fatoumata MARIKO ; Mariam KONE ; Minata DIARRA ; Oumou KEITA ; Kadiatou DIALLO ; Kankou KONE ; Rokia NIARE ; Kadia DJIRE ; Ada NANTOUMA ; Awa COULIBALY ; Soungoura DOUMBIA ; Fanta KANTE ; Safiatou COULIBALY ; Djaba TANGARA ; KONE Mama DIARRA ; Ismael DIABATE ; Karamoko BAMBA; Doumbi FAKOLY; Coumba SOUKO ;  Clariste SOH-MOUBE ; Nathalie M’DELA-MOUNIER ;

vendredi 9 novembre 2012

N° 4 : INSTALLATION A BAMAKO

Bonjour à chacune et chacun!
Tout d'abord, en complément des récentes pages du blog, vous pouvez aller voir sur le site suivant :

http://www.eglisemali.org/index.php/95-actualites/actualites-mopti/202-les-evenements-recents-du-diocese-de-mopti.html


LES NOUVELLES ?


-          Lundi  29 : Visite chez l’archevêque Mgr Jean ZERBO : il est décidé que je m’installe provisoirement à la Cathédrale. Avec Timothée, le curé, on voit comment je peux donner un coup de main, en célébrant le dimanche dans une des 10 communautés qui forme la « paroisse de la cathédrale ». Je découvre de nouvelles églises, agrandies et déjà trop petites, et des communautés jeunes et dynamiques.

Ce même jour, je découvre ce que sera peut-être mon « garage attitré » : un immense terrain vague, à côté d’un échangeur routier. Un garage à ciel ouvert, sans électricité, sans pont élévateur et tous les outils modernes que l’on peut connaitre en Europe… Là, stationnent une cinquantaine de véhicules (dans des états indescriptibles) autour desquels s’agitent pas moins d’une vingtaine d’ouvriers et d’apprentis, sous l’œil avisé de Sory, le patron.
ma voiture en réparation
abri de fortune permettant de se mettre a l'ombre et... d'attendre
 Tout le monde travaille sous le soleil, sans protection. On me donne un siège à l’ombre, sous un abri de fortune, pour que je patiente ! Je passe mon temps à préparer mon homélie de la Toussaint, en jetant un coup d’œil pour voir l’avancée des travaux (changement de suspension avant). C’est un travail en plusieurs étapes : 1) on démonte. 2) on envoie quelqu’un en ville–avec la pièce démontée- pour acheter la même, en neuf ou occasion (comme on veut !) 3) le commissionnaire revient avec les pièces et le prix demandé ! 4) commence alors le marchandage, si on trouve que le prix est exagéré… et là, ça peut durer « un certain temps » ! 5) quand on s’est mis d’accord, on remonte la mécanique !
la cour intérieure de la cathédrale
-          Mardi 30 : Installation dans un bureau à la cathédrale. C’est un lieu stratégique pour des rencontres, car beaucoup d’agents pastoraux y passent, venant de tout Bamako, de tout le diocèse, ou de tout le pays. C’est là aussi que se trouvent le siège national de la JOC et du MMTC (Mouvement Malien des Travailleurs Croyants).  
- Mercredi  31 octobre : visite du centre de Jikoroni, tenu par la JOC Locale. Joie de voir que l’opération d’alphabétisation - lancée dans les années 1980 au Badialan (autre quartier de Bamako), et que nous avions délocalisée en 1991 à Jikoroni-  continue toujours. J’y ai trouvé Cyrille KONE (jeune de 25 ans) qui porte le projet avec ses copains jocistes. Chaque soir, (de 18h30 à 21h), ils rassemblent pas moins de 130 à 140 jeunes et moins jeunes, pour des cours qui vont de la 1ére (équivalent du C.P. en France) à la 9ème (équivalent de la 3ème), dans  des salles polyvalentes, vaguement équipées pour la classe (trois d’entre elles se passent dehors, faute de locaux !). J’ai, à nouveau, été admiratif de voir sur les mêmes bancs, côte à côte, des enfants de 10 ans et des adultes de 30 ou 40 ans, tous assoiffés d’apprendre, après une dure journée de travail, dans le secteur informel  (pour la plupart). Chaque élève paye 1000 cfa (1,50 euro) par mois  (de la 1ère à la 6ème) et 2500 cfa (3,80 euros) de la 7ème à la 9ème. Et chaque « professeur » (jociste bénévole) reçoit une « récompense » de 6000 cfa (un peu plus de 9 euros) par mois, en sachant qu’il y consacre 2h 30 (sans compter la préparation) par soir et 5 soirs par semaine !!! Cette action d’alphabétisation,  « avec les moyens du bord », et dans l’esprit d’une action militante (« j’ai eu la chance d’aller à l’école, je peux apprendre à lire, écrire et compter à ceux qui n‘ont pas été scolarisés »), est typique de l’action de la JOC au Mali. Elle mérite d’être reconnue, et d’être encouragée, d’autant plus qu’elle ne demande pas de grands moyens financiers, et qu’elle s’autofinance presque à 100% ! La JOC nous redit là, que le développement ce n’est pas d’abord une affaire de gros sous, mais une affaire de volonté et d’action militante. Ce qui est formidable c’est de voir des jeunes, jamais scolarisés, et qui arrivent à réussir, grâce à ces cours du soir, à l’examen du DEF (en fin de 9éme), l’équivalent du BEPC en fin de 3ème (en France). Ce qui est formidable encore c’est de voir que parmi les 130-140 élèves, il y en a environ 40 qui ont été accueillis même s’ils ne pouvaient pas payer la cotisation mensuelle. Bel acte de solidarité !
trois classes côte à côte et séparées par des nattes, et "à la belle étoile"
Visite de toutes les classes avec Cyrille KONE le responsable JOC
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-          Pour vous aider à faire des comparaisons de prix et de niveau de vie, voici quelques chiffres :
o   Le smic est en fait officiellement (renseignement pris) à 28 500 cfa (= 43,50 euros). Certains reçoivent plus, c’est vrai ! Mais beaucoup n’ont même pas ce smic. Et surtout la plupart, aujourd’hui, sont embauchés (dans le privé, comme dans le public) sans avoir d’accord sur le salaire ! (« On verra en fonction des résultats ! »)
o   Et le prix du kg de riz qui était à 250 cfa le kg (en 2009) est maintenant à 350 cfa ; et le gasoil qui était à 350 cfa (en 2009) est aujourd’hui à 645 cfa (= presque 1 euro le litre !). C’est pour dire que la vie reste chère, par rapport aux salaires qui n’ont pas augmenté depuis bien longtemps.
o   Malgré cela, les gens donnent et se donnent, en particulier quand il y a des fêtes religieuses, comme dernièrement la Tabasky (pour les Musulmans), ou le pèlerinage à Kita (17-18 novembre prochains) pour les chrétiens.  Pour participer à ce dernier, il est demandé à chacun 17 500 cfa (plus de la moitié du smic !). Pour rester dans le domaine religieux : une intention de messe au Mali est associée à une offrande de 2000 cfa. En proportion, par rapport au smic, j’ai calculé que  les chrétiens de France devraient donner 73 euros par intention de messe…. pour « être au même niveau » que les Maliens !!! Simple réflexion !

-          Action « enfants de tous » : action initiée vers 1992 par le regretté Jean-Jacques COMBIER (décédé l’an passé en France) et son épouse Annick. C’est dans  ce projet pour les enfants (garçons et filles) de la rue, que travaillent ou ont travaillé bon nombre d’amis, parmi lesquels Judith, Arsène, Emmanuel… actuellement 27 salariés travaillent sur ce projet. Le lundi soir 5 novembre, grâce à l’aimable autorisation de Félix, le responsable du « « projet enfants de tous », j’ai pu me joindre à l’équipe d’animateurs pour une tournée de nuit, à la recherche d’enfants de la rue. Dans la voiture de service, (un vieux minibus brinquebalant)  avec le chauffeur et l’animateur, nous avons commencé notre tournée à 20 h 30 (en sachant qu’ici, il fait nuit à partir de 18h), et en parcourant les grands marchés, les gares routières, les lieux habituels où ils se retrouvent, nous avons rencontré des jeunes déjà connus par l'animateur mais aussi des nouveaux, dont cet enfant de 9 ans (environ), en haillons, arrivant de Côte d'Ivoire (dixit), et qui accepté de venir avec nous pour rejoindre le centre d'accueil et y passer la nuit en sécurité. Vraiment, c'est un travail formidable de "sauvetage d'enfants et de jeunes" qui est réalisé là!
Judith avec le bébé de Mélanie! Angéline veut aussi porter son bébé dans le dos
-           Dans ce projet travaille aussi, Delphine, qui a entendu parler de la JOC par Judith (ancienne responsable fédérale sur Bamako dans les années 90) et qui a déjà trouvé 6-7 copains-copines pour démarrer une nouvelle équipe JOC. Et le dimanche 4 novembre, à une réunion d’information sur la JOC, il y avait plus de 20 jeunes !!! Rendez-vous est pris le 25 novembre, pour une première réunion d’équipe avec les volontaires ! (affaire à suivre)
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