Me voici de retour à Bamako, après plus de deux semaines à
Mopti, pour y vivre les différentes fêtes de Noël et du Jubilé de 25 ans
d’ordination presbytérale de Georges (l’évêque) et de Noël (prêtre en service à
Bamako). Voici d’abord
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Quelques échos de ces fêtes :
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FETE DE NOEL : Pour les deux célébrations, je suis resté à Mopti. La communauté est
beaucoup plus petite (500 personnes) qu’à Sévaré (1200 ou plus), mais elle a
aussi son charme. L’église, pardon, LA CATHEDRALE, est un bâtiment vraiment
tout simple : ça ressemble à un hangar (!) et derrières les vitres
chargées de poussières et qui sont toujours ouvertes, c’est le marché… alors on
prie dans le bruit, disons plutôt les bruits en tout genre ! C’est
« la prière dans la vie ! ». Heureusement, une sono de fortune
permet de se faire entendre. Pour la fête, on a installé des guirlandes
électriques clignotantes en toutes les couleurs !!! et des ballons de baudruche!
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Les amis de Kisito mimant l'évangile de la Nativité |
POUR LA MESSE DE LA NUIT, c’est Léopold (vicaire
général) qui préside. La chorale a bien répété et s’en donne à
« cœur-foi ! », par les chants et par les danses, mais
l’explosion de joie, c’est à la préface, quand Léopold entonne un chant en
Dogon (avec une partie d’improvisation) alors là, les youyous des femmes
couvrent les chants de la chorale et la sono !!!
Extraordinaire ! Auparavant, nous
avons eu droit (comme dans beaucoup d’églises de part le monde) à une mise en
scène de l’évangile par les enfants (les amis de Kisito = ACE) : les
enfants ont été des acteurs épatants, comme ils savent le faire… mais ils en
ont rajouté dans l’expression théâtrale, au point de faire exploser de rire
toute l’assemblée ! On se serait presque cru au « caveau de la
république » à Paris !!! Quant à l’homélie, elle fut longue, car Léopold
parlait en Français, et Laurent (le président de la communauté) traduisait tout
en Bambara, et surprise finale, un Nigérian s’est avancé (à la demande de
Léopold) pour dire un petit mot en Anglais… mais le petit mot a duré presque 10
minutes ! (Mopti est une ville qui attire de nombreux travailleurs
étrangers, en particulier des Nigérians qui font du commerce).
En veillée : « repas-réveillon » au
presbytère avec des amis de Léopold, autour de bières, sucreries
(c'est-à-dire : coca, fanta, sprite etc), poulet-frites, et nems !
POUR LA MESSE DU JOUR, c’est moi qui devais présider.
Michel, le curé, est arrivé – comme prévu- pour m’accompagner. Et à la dernière
minute, arrive Georges, l’évêque ! C’est lui qui a présidé, et j’ai fait
l’homélie, traduite en Bambara (mais pas en Anglais !). A l’offertoire,
grande procession avec des produits de la terre (bananes, oranges, oignons) et
du fleuve, (grosses carpes et le fameux « capitaine » = le thon d’eau
douce) apportés par des femmes en dansant. La cathédrale attenante à la
mission, est construite à 20 mètres du fleuve ! La particularité aussi à
ces deux messes, c’est que la prière universelle est spontanée et que celles et
ceux qui s’expriment disent fortement la réalité des personnes déplacées, des
personnes marquées par la peur, des personnes en attente d’un changement fort
dans le Mali et en particulier au Nord.
Et à midi, Michel m’a emmené dans une famille amie,
pour un repas de fête. David, le mari avait invité pour l’occasion ses
collègues de travail. Un moment vraiment sympa.
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Repas en famille chez David |
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FETE DU JUBILE : Le dimanche 30 décembre, tous les chrétiens de Sévaré
et de Mopti, et aussi des délégués des autres paroisses (surtout de Ségué) se
retrouvent dès 8h 30, pour une messe d’action de grâces qui va commencer à 9h
et va durer… 3 heures ! C’est la fête pour les 25 ans d’ordination de
Georges FONGHORO (l’évêque) et de Noël SOMBORO (nommé comme responsable
national des finances de la conférence épiscopale, et qui loge à la Cathédrale
de Bamako. Nous sommes donc ensemble, en
soutien de l’équipe locale des prêtres !). Une belle fête en plein air,
une foule composée de chrétiens et aussi de Musulmans amis des jubilaires, ou
des gens qui sont venus voir, attirés par la musique et les chants ! En
étant sur place, ils ont pu aussi apprécier les danses de la chorale, et de
toute la foule à la fin de la célébration. 
Dans l’assemblée, je n’étais pas
le seul blanc (pour une fois !) J’ai repéré trois « visages
pâles » d’Italiennes venues pour la fête ! Ce que j’ai remarqué
aussi, c’est que nous étions ostensiblement entourés de policiers et de
militaires en armes. Impressionnant service de sécurité ! Mais il y avait
des raisons…
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Voici, aussi, ce qu’on trouve sur le site de TV5monde.org/info, depuis le 24 décembre :
« Le
Mali compte près de 400 000 Chrétiens qui forment, loin derrière les Musulmans
et un peu après les animistes, la troisième communauté du pays (3 à 4 % de sa
population). Certains ont préféré fuir les régions du Nord où de multiples
exactions se sont produites après leur conquête par les factions islamistes
alliées à Al Qaïda pour un sud où la tolérance demeure la règle.
Nommé en mission à Mopti - dernière ville avant la zone occupée par les
djihadistes et chef-lieu d'une région d'importantes communautés chrétiennes, le
Père français Bernard Robert a été contraint - du fait, surtout de sa
nationalité - de se replier à Bamako. Il nous livre son témoignage.
"Le
dialogue est la seule porte pour construire un Mali qui tienne debout"
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Le Père
Bernard Robert, célébrant la messe à Bamako (photo Pascal Priestley).
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Comment les Chrétiens de la région de Mopti, d'où vous
arrivez, vivent-ils la pression islamiste toute proche ?
Il y a une pression, c'est vrai, mais il vivent relativement en paix. La ligne
de démarcation passe à 30 ou 50 kilomètres au nord de Mopti. Tant qu'elle n'est
pas arrivée à Mopti ou au sud de Mopti...Les grosses communautés chrétiennes
sont en pays Dogon du côté de Bandiagara, Barapirelli, Pel, Ségué. Elles se
sentent en sécurité et vivent tranquilles.
A Mopti ou Sevaré on est un peu plus dans l'inquiétude mais tout de même pas
très anxieux.
La plus grande partie du Mali se trouve désormais sous le pouvoir de groupes
armés dits « islamistes » et sous leur loi. Cela n'inquiète t-il pas
les Chrétiens, même ceux vivant dans la partie sud du pays ?
Il y a deux tendances. Il y a ceux qui disent « on ne va pas nous reconnaître,
nous les Chrétiens. On risque de nous mettre dehors, on se crispe ».
Il y a une autre tendance qui est plus généralisée et plus
« malienne », et c'est la mienne en venant ici, qui est de dire
« les Musulmans sont nos frères. On partage depuis très longtemps, on
discute entre nous, on vit ensemble. On va continuer à vivre ensemble. Ne nous
laissons pas crisper par cette situation militaire ».
Les Chrétiens jouent-ils un rôle dans les actuelles tentatives de négociation
entre diverses parties ?
Oui, ils pèsent de tout leur poids pour que le dialogue prévale sur toute
action militaire. Même si elle est nécessaire, une action militaire ne crée pas
de dialogue. Un jour ou l'autre il faut déposer les armes, se mettre autour de
la table et parler.
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Messe à Bamako, le 2 décembre 2012
(photo Pascal Priestley)
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Pesant
un peu moins de 3% de la population, représentent-ils un interlocuteur
considéré ?
On entend souvent dire ici « les Chrétiens représentent 2 % ou 3 % en
nombre mais 50 % en impact social ». Cela signifie que leur engagement
dans le pays en matière de santé, d'éducation et dans bien d'autres domaines en
font une part égale aux Musulmans. Ce n'est pas pour se mesurer ou dire « je
suis aussi fort que toi » mais pour dire que nous avons notre place
ici. Et la place des Chrétiens, même très minoritaire est une place importante.
Elle pèse dans le dialogue. Et quand les évêques et les Chrétiens appellent au
dialogue, ils sont entendus.
Par tous ?
Nous avons eu un peu peur au moment de la mise en place d'un ministère du culte
[institué en août dernier et considéré par beaucoup comme une concession à
l'islamisme, NDLR] et on rencontre, c'est vrai, des Chrétiens qui doutent
du dialogue avec nos frères Musulmans. C'est vrai qu'il y a des intégristes
chez les Musulmans comme chez les Chrétiens et dans toute religion. Mais il
faut entendre l'ensemble des Musulmans qui, eux, sont pour le dialogue et
aujourd'hui, le dialogue s'engage. Il est la seule porte pour construire un
Mali qui tienne debout, qui n'explose pas.
Le Mali traverse une crise très forte depuis près d'un an, presque une descente
aux enfers mais c'est dans les grandes épreuves qu'on retrouve les grands
hommes. Je crois que c'est dans cette grande épreuve qu'on va sans doute trouver,
j'espère, les hommes et les femmes qui vont donner un Mali nouveau. C'est vrai
qu'il faut imaginer la vie citoyenne, politique, communautaire autrement que
cela a été fait depuis cinq ou dix ans. Je crois que c'est possible.
Mon séjour à Mopti a été l’occasion
aussi de participer (en partie) au
Conseil de Pastorale Diocésain : organe rassemblant des délégués de
paroisses et de mouvements, avec quelques prêtres et religieuses, autour de
l’évêque. Au total, 30-40 personnes pour deux petites journées de partage et de
débats. Ces derniers portant surtout sur les moyens à chercher ou développer
pour l’autofinancement du fonctionnement ordinaire de l’Eglise, dans ce diocèse
qui n’a pas encore 50 ans, et qui a de lourdes charges (avec 17 grands
séminaristes, par exemple), et un territoire plus grand que…. La France !
(mais dont les 4/5ème ne sont pas accessibles actuellement !)
CADEAU DE NOEL POUR LE MALI :
quelques jours avant Noël, le conseil de sécurité de l’ONU vote à l’unanimité,
une résolution permettant le déploiement d’une force multinationale
ouest-africaine (avec l’appui aérien de pays comme la France ou les USA). C’est un bonus pour
l’Espérance des Maliens. Reste à en attendre la réalisation concrète. Les vœux
du chef de l’état par intérim, à la nation, le 31 décembre, ont été
encourageants dans ce sens, laissant espérer une issue « assez
proche » …. Attendons !
DE RETOUR A BAMAKO le 31 décembre à
midi, j’ai pu vivre « un réveillon particulier » chez des amis,
Berthe et Patrice qui accueille dans leur concession (annexe de la maison) des
aide-ménagères qui viennent tous les soirs pour apprendre à lire et écrire
(projet Soli-Mali). Ce soir-là, on a rangé les cahiers et les bics, et on a
fait la fête : chansons, danses, et un petit coup de guitare !
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le repas est réparti dans "les tasses" |
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Et le lendemain, à midi, même chose avec
le projet de la Caritas « enfants de tous », où j’ai retrouvé aussi
bon nombre d’amis parmi les animateurs. J’ai retrouvé l’animateur avec qui
j’avais fait la tournée de nuit, et aussi le jeune enfant de 9-10 ans qu’on
avait recueilli, qui m’a bien reconnu (moi : non !) et est venu me
saluer avec un grand sourire !
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C'était l'occasion aussi de remettre les diplômes aux jeunes en fin de formation.... et de prendre des photos souvenir ! |
ME VOILA DONC A BAMAKO, JUSQU’EN MAI,
sans doute ! ….Affaire à
suivre !